Sortie théâtre au TNS « Dom Juan » vu par David Bobée – 10 janvier 2025

Sortie théâtre au TNS « Dom Juan » vu par David Bobée – 10 janvier 2025

C’est une grande et majestueuse production à laquelle ont pu assister les élèves de l’Atelier Théâtre accompagnés des élèves volontaires du lycée, dans le cadre de leur parcours du spectateur. Si on ne présente plus le héros éponyme, on est toujours intrigué par la manière dont un metteur en scène s’approprie sa personnalité complexe et par l’interprétation proposée de cette pièce de Molière.  

Et David Bobée est très critique « Dom Juan ne m’appelle pas. Au contraire, il me fait fuir » déclare-t-il dans sa note d’intention. Car pour lui il s’agit de démystifier le personnage, de « déboulonner des statues ». Des statues, il forge sa scénographie. En effet une monumental statue d’Illissos, dieu grec d’un cours d’eau qui s’est tari, ou plutôt un tronc, se dresse au lointain et embrasse tout l’espace scénique. Puis parmi des statues mouvantes, manipulées par les personnages, on peut reconnaître Achille, noble figure, mais ici inspirée d’une statue échouée dans un palais tombé en désuétude. Ensuite on découvre une statue équestre d’un conquistador, mais renversée et enfin des fragments ici et là. Le metteur en scène s’inspire d’un musée de Berlin exhibant des statues déboulonnées, honteuses…

Dom Juan est un destructeur

Si le personnage central se révèle méchant, railleur, brutal et animal, le texte de Molière est respecté, mais aussi adapté. Les acteurs sont issus de la diversité et le dialogue des paysans, campés par deux acteurs coréens, s’exprime en mandarin, On s’interroge, mais on ne se moque pas. Et Sganarelle est un jeune acteur congolais, remarquable alter ego de son maître.

C’est que David Bobée milite pour la dénonciation de toute discrimination et domination. On peut y recenser la glottophobie, mais aussi la grossophobie, le patriarcat, la misogynie… « Dom Juan » est pour lui une machine à jouer et il adapte le texte en remplaçant le « tabac »   par « le théâtre » dans le prologue. Car le théâtre s’adapte à son temps et nul besoin de deus ex machina pour David Bobée qui est athée, « Dom Juan travaille tout seul à sa destruction par son nihilisme » avance-t-il. Et l’image du sable qui s’écoule des cintres du plateau dans le tombeau du Commandeur figure très simplement et magistralement ce compte à rebours.

Rendez-vous est pris pour « And Here I am » par Ahmed Tobassi, comédien et metteur en scène du Freedom Théâtre, un plaidoyer pour la liberté le 07 mars prochain.