Rencontre avec Lothar Schulz, ancien prisonnier des geôles de la STASI à Berlin

Rencontre avec Lothar Schulz, ancien prisonnier des geôles de la STASI à Berlin

Lors de notre voyage scolaire à BERLIN au mois de mars 2024 nous avons visité une ancienne prison de la Stasi à BERLIN :  Hohenschönhausen . 

L'un des 2 groupes seulement a eu la chance de faire la visite avec Lothar Schulz, ingénieur en physique nucléaire et ancien prisonnier de la Stasi, désormais guide conférencier avec plus de 2200 ( oui 2200 ! ) visites à son actif en allemand, anglais, russe, français, espagnol et italien ! Lors de nos échanges pendant la visite nous avons évoqué l’idée qu’il vienne jusqu’à Saverne pour parler de son vécu pendant la Guerre froide.

Il a accepté notre invitation et a fait la route depuis BERLIN pour venir gratuitement faire une conférence au lycée.

Monsieur Schulz nous a raconté (en tant que témoin ayant vécu les évènements) les motifs de son emprisonnement, la torture psychologique, les écoutes de la STASI, la Guerre Froide etc ...  Un moment incroyable au cœur de l'HISTOIRE !

Voici le compte-rendu de cette conférence rédigé par une élève, Lou-Anne Weibel

Rencontre avec Lothar Schulz. 

Mardi 14 mai 2024, des élèves de 2ndes Abibac, de 1G1, 1G2,
1G3, 1G4, et de 1G5 ont pu assister à une conférence dans le gymnase du
lycée présentée par M. Lothar Schulz, un ancien prisonnier politique de la
Stasi* lors de la guerre froide, venu de Berlin. Avant de commencer la
conférence, des élèves de 1G2 ont préparé une petite présentation sur M.
Schulz, la guerre froide et la Stasi.
M. Schulz, né en 1950 dans le Brandenburg, a été un témoin direct de la
guerre froide, et notamment de la violence de la Stasi dans l’Allemagne
de l’Est. Ayant grandi et étudié dans la RDA (République démocratique
allemande), il a travaillé dans les années 1970 en tant qu’ingénieur en
physique nucléaire.
En 1978, 1 an et demi après s’être marié avec une Bulgare et ayant été
témoin de l’intimidation qu’elle subissait à cause du fait qu’elle ait mené
ses études en Russie, il décide de manifester contre le régime en place. Sa
manifestation pacifique se traduit par une pancarte qu’il a tenue sur le
« Alexanderplatz » pendant 4 minutes et demie avant que la Stasi n’arrive
et ne l’embarque. Sur sa pancarte, il avait écrit : « Unter Aufsicht der
Partei wird meine Frau, bulgarische Ärztin, in Greifswald schikaniert, weil sie
bei den ’’Russen’’ lernte »**. Il voulait faire changer les choses et a
commencé cette bataille en étant prêt à se sacrifier. Lorsque la Stasi l’a
attrapé, il a tout d’abord été interrogé pendant 26h, puis a passé 41h sans
dormir. En effet, Erich Milke, ministre de la Sécurité d’Etat, le suspectait
d’avoir conspiré avec des Allemands de l’Ouest pour sa manifestation, ce
qui lui aurait valu entre 7 et 9 ans de prison. Cependant, le fait d’avoir
préparé sa manifestation tout seul a fait de lui une personne plus
dangereuse pour l’Etat, car cela signifiait qu’il avait pensé par lui-même
et non obéi aveuglément au régime. Ses interrogatoires ont duré 4 mois,
et il a passé en tout 1 an et 10 mois dans la prison de Hohenschönhausen
à Berlin. Sa cellule faisait 4 pas en longueur et il était interdit aux
prisonniers d’y pratiquer du sport.
Durant son emprisonnement, M. Schulz et les autres prisonniers ont subi
des tortures psychologiques, destinées à les affaiblir afin
qu’ils avouent leurs méfaits, souvent inexistants. Ces tortures se
manifestaient par un enfermement dans des cellules trop petites pour se
tenir debout ou assis, ou dans des cuves remplies d’eau froide où il fallait
rester des heures. Mais c’était cependant la torture psychologique qui
était la pire.

La première étape de cette torture était la privation sensorielle, qui
produisait un effet cyclothymique sur les prisonniers, puis venait la
privation de sommeil, qui rendait fou, et enfin une surcharge sensorielle.
Tout cela déstabilisait les prisonniers et affaiblissait, pour certains, leur
résistance. Plus tard, ils ont pu bénéficier de thérapies pour les aider, mais
cela est cependant resté dur de se rétablir.
M. Schulz a finalement été libéré en novembre 1979. Néanmoins, ayant
travaillé dans des centrales nucléaires, son savoir était trop important
pour le laisser partir à l’Ouest. Il a ainsi été surveillé avec sa femme par
la Stasi qui écoutait leurs conversations. Ils se sont vu attribuer des
surnoms, tels que « eczéma » pour M. Schulz et « furoncle » pour Mme.
Schulz. Des micros ont été infiltrés dans leur maison, et un système
d’échange de voiture avait été mis au point dans le cas d’un éventuel
voyage. M. Schulz ne s’était pas rendu compte qu’on l’espionnait, et
après la chute de la RDA, il a découvert un dossier sur lui qui faisait 7kg
de papier et 1375 pages. Ce dossier décrivait sa maison, détaillait ses
actions et les résultats de ses interrogatoires.
*Stasi = Staatssicherheit = sécurité de l’Etat
** ’’Sous la supervision du parti, ma femme, médecin bulgare, est
harcelée à Greifswald parce qu'elle a étudié chez les « Russes ».’’

M. Schulz a finalement réussi à quitter la RDA
avant la chute du mur, en téléphonant à sa femme qui
avait pu partir du pays de par son origine bulgare, et
en lui disant qu’il recommencerait ses manifestations
pacifiques. Il ne savait pas que la ligne était écoutée,
et la Stasi a décidé à ce moment-là que ce serait trop
dangereux de le garder dans le pays, et l’a fait
évacuer. Il n’aurait par contre plus le droit de revenir
en RDA.
Aujourd’hui, M. Schulz fait visiter aux intéressés
l’ancienne prison nazie, maintenant « Gedenkstätte
Hohenschönhausen » à Berlin. Il a effectué plus de
2 200 visites à ce jour en allemand, français,
espagnol, italien, russe, et anglais. Il s’est démarqué
par son sens de l’honneur et de la justice, et par son
combat pour la liberté, et est, depuis lors, un exemple
de courage et de droiture.

 

1ère photo : Lothar Schulz als junger Mann. Kurz darauf kommt er in Haft (Foto: Christian Lohse) Foto: Christian Lohse

https://www.bz-berlin.de/archiv-artikel/wie-lothar-schulz-die-psychofolter-im-berliner-stasi-knast-ueberstand